La Commission finlarmoiement sur la non-existence de Réjean Ducharme a été établie par les membres du collectif d’artistes virtuels finlarmoiement en vertu d’aucune loi valable et d’aucun décret digne de ce nom. Son mandat est de mener une enquête et de présenter un rapport sur les différentes hypothèses concernant l’identité réelle de Réjean Ducharme et/ou (surtout) concernant sa probable non-existence. L’enquête devra également aboutir à des recommandations permettant au collectif finlarmoiement de trouver, au final, ce qu’il pourrait bien foutre avec tout ça.
L’honorable Marie Duval-Hétu, l’honorable Martin Nadeau et le très, très, très honorable Louis Rancourt se sont, pour l’occasion, dans la joie et dans l’allégresse, autoproclamés commissaires.
Dix ans après la Commission d’enquête sur la non-existence de Réjean Ducharme (la CfNERD), Louis Rancourt, co-commissaires et membres du collectif d’artistes virtuels finlarmoiement avec Marie Duval-Hétu et Martin Nadeau, se prononcent sur la supposée mort de Ducharme, l’auteur fantôme.
Quand avez-vous eu l’idée de faire un projet sur Réjean Ducharme ?
C’était en 2011. Pas besoin d’ajouter « m.c. ». Quand on s’intègre dans la programmation d’un festival, ça laisse des traces officielles. Moins de place pour la tricherie. C’est le genre d’erreur qu’on faisait à l’époque. En 2011 donc, c’est la deuxième édition du festival Québec en toutes lettres et le thème c’est Réjean Ducharme. On avait déjà participé au festival l’année d’avant en présentant une sorte de perf pour le lancement du livre de Martin. En fait, on ne s’était jamais présentés, mais les choses avaient plutôt bien tourné. On sentait que les organisateurs du festival nous aimaient bien. Quand ils ont fait un appel de projet sur Ducharme, on a tenté notre chance, c’est tout.
Vous étiez-vous déjà intéressés à Ducharme auparavant ?
Marie était déjà fan, oui. Martin, moins, mais il s’est claqué l’intégral en quelques semaines. Il m’en a fait des résumés. J’étais occupé à autres choses à l’époque. J’avais un animal de compagnie. Un lapin ou un hamster, je ne sais plus. Il est mort cette année-là. En fait non, c’était l’année d’avant, mais j’étais encore sous le choc.
Pourquoi une commission d’enquête ?
On venait de se taper Gomery, Bouchard-Taylor… on attendait Charbonneau. C’était des shows formidables. On s’est dit que c’était dans l’air du temps.
Parce que c’est ce que vous vouliez faire, un show ?
Pas exactement faire un show. Je dirais faire faire un show… par les autres. C’est ce qui se passe dans les commissions d’enquête. On lance un sujet puis les gens se donnent en spectacle.
Comment avez-vous procédé ?
On a créé un site web qui permettait à tout le monde de faire des déclarations d’hypothèses, de soumettre des éléments de preuve ou de déposer des micro-mémoires. N’importe qui pouvait nous envoyer n’importe quoi. De la supposition sérieuse au dévoilement de la double vie de grand-maman Gertrude. Je me souviens d’une personne qui affirmait que les œuvres signés Ducharme étaient rédigés par les membres d’une secte satanique occupée à contrôler l’ordre mondiale. C’était avant-gardiste comme soupçon en 2011. Mais, plus sérieusement, on a attiré notre attention sur à peu près toute les traces qu’avait laissé l’affaire Ducharme : L’entrevue avec Gérald Godin dans le MacLean; les réponses signé Ducharme adressées à Pierre Tisseyre et Jean Basile; l’article anonyme paru dans Le Devoir en 67; celui paru dans le journal d’extrême droite Minute… Je peux pas tout énumérer.
Vous avez reçu une grande quantité de témoignage et puis…
Et puis… Le plus intéressant, c’est les quasi aveux que Ducharme fait à même ses œuvres. On nous envoyait tout plein de citations incriminantes, des courts passages dans lesquels l’auteur se mettait vraiment à nu. C’est dans ses romans… une sorte d’auto-dévoilement. Il écrit des choses comme : « Les forces étrangères qui me dirigent » ou « La vie est dans ma tête et ma tête est dans la vie. » Tu lis des trucs du genre et ça te saute aux yeux : c’est un immense canular. La personne qui a écrit ça n’a tout simplement jamais existée.
C’est donc la conclusion à laquelle vous êtes arrivé ? Réjean Ducharme n’a jamais existé ?
Non seulement il n’a jamais existé, il continue chaque jour à ne pas exister. Ce n’est même pas une conclusion. Le problème est constant. Il persiste. La non-existence de Réjean Ducharme est à réaffirmer à tous les instants. C’est pour ça que nous avons recommandé la mise en place d’une commission permanente. Le but, c’est de s’assurer que la conscience globale de l’humanité prenne à chaque instant en compte cette réalité.
« La conscience globale de l’humanité » ?
Oui, je me suis mis à la psilocybine en microdose depuis quelques semaines. Je m’exprime en utilisant de nouveau concept et je fais des connexions inédites entre… euh… les différentes… euh… choses. C’est pas désagréable. Enfin, y en a qui croit pas à ça, qui parlent d’un effet placebo. Mais bon… moi j’y crois
Et la mort de Réjean Ducharme survenue en 2017, vous y croyez ?
Non.